Béatrice Nicolas

art, peinture, dessin, texte, sculpture

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A propos des dessins

" Je travaille et je vois, après.
Je travaille sans voir- je vois parce que je travaille.
Je travaille. A force, je vois un peu, parfois. Il ne faut pas en demander trop".
Antoine Emaz

Quelque chose arrive en vrac, en dérive, monte en vagues. Ca vient des mots, d’une musique, d’un trait… Il faut alors tenter, réunir, séparer, confronter, nouer, délier. Laisser advenir aussi. La recherche d’un lieu, d’une réalité, la tentation de la trouver. Je cherche à voir, je ne sais pas encore ce qu’il y a à voir. Je travaille avec l’oubli. Je définis un cadre qui entoure le lieu que je cherche, j’ouvre un espace. Procéder par analogies, digressions, anamorphoses, dérives. Petit à petit une sorte de paysage nait. Des paysages se forment dans le grand paysage. Une musique, des rythmes montent, des éléments viennent s’élargir au premier plan, d’autres se mettent en murmure. Ces territoires n’ont pas vraiment de début, ni de fin. Il y a des chemins à l’intérieur qui se faufilent et se perdent.
Quelque chose se lève du silence, la ligne tracée d’un rapport tremblant au monde. C’est une promenade, une déambulation où se collectent, se juxtaposent, se fragmentent, se confrontent les perceptions et les sensations. Et elles se précipitent à la surface du papier, de la toile mêlant les lieux et les temps dans le présent de ce qui est entre train d’advenir. Je cherche un vocabulaire à la fois modeste et varié. J’avance à tâtons entre rêverie et ruminations sur une ligne de crêtes jusqu’à trouver un lieu. Je le veux fragile, vibrant qui laisse encore entrevoir un au- delà, un hors-champ. Je cherche le plaisir d’avancer, des territoires inconnus à arpenter, la tension entre maitrise et gestes sans préméditation, entre les différents matériaux, entre la prise de risque et l’évident.
Des papiers colorés, dessinés, badigeonnés, découpés réalisés spontanément au fil des idées, des obsessions, des tentatives. Puis je les intègre dans d’autres travaux. Tout de suite ou pas, ou partiellement. Quelquefois je les utilise bien plus tard. Comme une réserve de mots, de vocabulaire, de sensations enrichies au jour le jour dans laquelle puiser. La recherche d’une justesse, que ça tienne mais que ça reste ouvert, comme in-fini, comme les jours, comme le paysage.
Tenter de faire converger dans l’espace du papier ou de la toile le lieu mental et le lieu physique, de tenir cette vision plurifocale, la vision « tisserande » de Dubuffet. L’esprit privilégie, abolit, jette, s’empare, totalise et crée un lieu. Un lieu qui est aussi un moment. Les lignes du temps et de l’espace se croisent en un point que nous appelons lieu. Il s’agit d’un travail de géographie sur « l’entre », l’entre les choses et les lignes.